Conseil québécois du théâtre
De 2016 à 2017, de grands enjeux à suivre
16 décembre 2016 | PARTAGER :        

Ce texte a originellement été publié dans la Chronique mensuelle de décembre 2016, dans l'intention de faire un retour non exhaustif sur de grands enjeux qui perdurent, sans vouloir minimiser d’autres défis cruciaux qui attendent notre discipline pour la prochaine année.
 

Quelles politiques culturelles au Québec et au Canada ? 

Il y a trois mois s’achevaient les consultations sur le renouvellement de la politique culturelle du Québec. Le 25 août, le CQT déposait son mémoire (parmi 450 autres) et participait à Montréal aux rencontres avec le ministre Luc Fortin, en place depuis la fin du mois de février.  Depuis lors, on annonce le dépôt de la politique culturelle au printemps 2017 et il se murmure déjà qu’Isabelle Mélançon serait pressentie au ministère de la Culture lors d’un (énième) remaniement ministériel. Au-delà des qualités humaines et politiques des uns et des autres, nous pouvons légitimement nous interroger sur la capacité des ministres à pouvoir concrètement réformer ou du moins influer sur le cours des choses en seulement quelques mois. Si cette information venait à se confirmer, pourrons-nous réellement nous prononcer sur le bilan de Luc Fortin ? De même, son éventuel successeur sera-t-il en mesure d’agir en une année, qui plus est en période préélectorale ? La politique a besoin de temps pour faire son œuvre. Notre vœu pour 2017 tient en un seul mot : stabilité.

Du côté canadien, les consultations sur le numérique en vue de la refonte de la politique culturelle fédérale sont maintenant terminées. Dès 2017, Mélanie Joly dévoilera les grandes lignes de sa politique. Il y a un mois la ministre affirmait que le gouvernement devra soutenir « la prise de risques des créateurs et des entreprises pour diffuser nos productions dans le monde entier ».
 

Fréquentation du théâtre

Même si les chiffres du rapport national de l’ICM 2016 de l’Université de Waterloo ne concernent pas spécifiquement le théâtre au Québec, mais les arts et la culture dans l’ensemble du Canada, ces données ont le mérite de mettre en lumière la chute prononcée de la fréquentation des spectacles et des dépenses des ménages consacrées au loisir et à la culture après 2008, année de récession. En septembre, l’OCCQ publiait ses dernières mesures concernant la fréquentation des spectacles. L’on constatait alors une diminution d’environ 1 % de l’assistance totale en théâtre (payant et billets de faveur) de 2011 à 2015. Il demeure que le développement de tous les publics va constituer un enjeu majeur pour les prochaines années.
 
Culture Éducation             
 
Le 5 décembre dernier, Luc Fortin et Sébastien Proulx, respectivement ministre de la Culture et de l’Éducation, annonçaient en conférence de presse l’octroi de 10 M$ pour « favoriser un arrimage fort entre la culture et l’éducation ».  Mais sur ces 10 M$, seuls 2 M$ alloués au maintien et à la diversification de la gamme des activités en culture-éducation (dont les sorties scolaires en milieu culturel) constituent réellement un nouvel investissement, autrement dit des crédits additionnels. En effet, les 5 M$ par an sur cinq ans pour soutenir l’offre de création jeune public et les 2,7 M$ par an sur trois ans pour favoriser l’apprentissage et la réussite par le contact aux arts et à la culture sont des mesures qui ont été annoncées en mars dernier, lors du dévoilement du budget Leitão. Effet d’annonce ? Nourrissons l’espoir que le gouvernement actuel saura prendre conscience et inspiration des recommandations formulées dans les centaines de mémoires, déposés dans le cadre de la révision de la politique culturelle, qui formulent à l’unisson l’urgente nécessité d’une réelle politique étatique pour la fréquentation des arts par le milieu scolaire.
 
Équité homme-femme
 
Le combat de l’équité et de l’égalité homme-femme continue. Le Regroupement des réalisatrices équitables présentait en mai dernier leur rapport « La place des créatrices dans les postes clés de création de la culture au Québec ». Les constats s’agissant des écarts de revenus ou encore des subventions allouées majoritairement aux hommes par Téléfilm Canada pour des longs-métrages sont alarmants. Au-delà du cinéma, ce sont l’ensemble des arts qui sont concernés par les inégalités homme-femme.
 
Diversité culturelle
 
Septembre, octobre et novembre ont été l’objet de plusieurs polémiques relatives à la sous-représentation de la diversité dans les arts et la culture. Le dossier « Un univers tricoté serré » de La Presse allumait la mèche en brossant un portrait incomplet, mais empreint de vérité de l’univers théâtral québécois. Le CQT publiait quelques jours après un texte faisant état du même constat, mais en apportant quelques nuances nécessaires pour mieux saisir dans son ensemble la complexité de cet enjeu. Il existe en effet des initiatives dont on ne parle jamais et qui oeuvrent dans l’ombre en faveur de l’édification d’une société plurielle. Fin novembre, Marc Cassivi dénonçait l’homogénéité ethnoculturelle de la bande-annonce du 375e anniversaire de Montréal, produite par Salvail Co. Le débat s’ouvrait alors une fois de plus, notamment sous la plume de Fabrice Vil : « Le manque de diversité à l’écran ou dans d’autres sphères de la société persiste pour une raison principale : les leaders des organisations qui perpétuent le problème ne font pas de la diversité une priorité personnelle ».
 
Les arts autochtones sortent de l’ombre
 
Tout doucement, les indicateurs semblent passer au vert. D’ici 2021, le Conseil des arts du Canada (CAC) triplera ses investissements pour « favoriser la connaissance, la création et le partage de l’art et des cultures des Premières Nations, des Inuits et des Métis ». Par ailleurs, DestiNATIONS : Carrefour International des Arts et Cultures des Peuples autochtones présentait son rapport «  C’est vital. », où l’on soulignait notamment que le Québec possède une production culturelle autochtone dynamique, riche et diversifiée en milieu urbain. En outre, on y lit que la « production culturelle autochtone, en milieu urbain comme en communauté, est essentielle à la survie culturelle », parce qu’elle participe, entre autres, au renouvellement de la culture. Chez nos voisins, c’est le Conseil des arts de l’Ontario qui innove en lançant une vidéo intitulée « Protocoles des arts autochtones », laquelle « aborde la question de l’appropriation culturelle et indique comment les protocoles des arts autochtones peuvent orienter les pratiques artistiques et garantir le respect des peuples autochtones et du savoir autochtone ».
 

Adaptation aux nouveaux modèles de financement des conseils des arts : un nouveau défi pour 2017

De nouveaux modèles de financement ont été mis en place au Conseil des arts et des lettres du Québec et au Conseil des arts du Canada. Avec les investissements majeurs dans les arts annoncés par le gouvernement fédéral (le budget du CAC est notamment doublé), le CAC entame une mutation historique. D’ici 2021, 487 millions de dollars seront investis par le Conseil à travers des subventions et des prix aux artistes et aux organismes. Cette manne financière est une opportunité exceptionnelle pour réussir pleinement la transition entre l’ancienne et la nouvelle structure de financement mise en place. Du côté du CALQ, c’est l’incertitude qui prévaut. Sans investissement supplémentaire de la part du gouvernement du Québec, il sera difficile d’éviter la crise de croissance qui s’annonce dans le secteur des arts.
 


Succession (après le théâtre, la danse)
 
La question de la Succession a été le centre de toutes les discussions du milieu de la danse ces derniers mois. En cause, une lettre publiée sur Voir.ca par 18 professionnels du milieu mettant en question la transformation de la mission originale de la compagnie O’Vertigo, laquelle deviendrait désormais un centre de création. « Si le milieu souhaite unanimement que les fonds rendus disponibles par la fermeture d’une compagnie de danse restent à la discipline, des voix s’élèvent pour avoir voix au chapitre quant à la répartition de ces fonds : entre les générations, entre les compagnies et autres organismes en danse, ainsi qu’entre les compagnies et les chorégraphes indépendants dont plusieurs aspirent à d’autres modes organisationnels ». Ce thème sensible, qui interroge la transmission intergénérationnelle, les filiations artistiques ainsi que les conditions socioéconomiques des artistes et de leurs compagnies, devra être analysé de manière équilibrée et équitable au sein de nos conseils des arts pour les compagnies des arts de la scène.
 
Journée sans culture 
 
La Journée sans culture a accouché d’une publication qui prend des allures de manifeste. Présentée comme le « prolongement des discussions ayant eu lieu autour des différentes tables ou espaces thématiques qui composaient la Journée », « Troubler la fête, rallumer notre joie » rassemble différents écrits, de « Entre dons, résilience et épuisement : jusqu’où et comment travailler ? » de Caroline Blais, Virginie Jourdain et Mercedes Pacho à « Le partage du territoire » de Josianne Poirier, en passant par « Pourquoi les femmes ? » de Julie Delporte. Un jeune mouvement porté par une génération d’artistes et de travailleurs culturels aux propos lucides et pertinents. Restons à l’écoute. 
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