Une centaine d'organisations privées de subventions: un coup dur pour la culture flamande
Le ministre flamand de la Culture, Sven Gatz, a supprimé la subvention d’une centaine d’organisations, à la base d’initiatives créatives et à forte implication sociale. Sous la pression de la N-VA ? Vu de Flandre par Jan De Troyer, chroniqueur.
- Publié le 08-08-2016 à 15h19
- Mis à jour le 08-08-2016 à 15h25
Le ministre flamand de la Culture, Sven Gatz, a supprimé la subvention d’une centaine d’organisations, à la base d’initiatives créatives et à forte implication sociale. Sous la pression de la N-VA ? Vu de Flandre par Jan De Troyer, chroniqueur.
Sven Gatz, le ministre flamand de la Culture (Open VLD), a donc attendu le dernier jour du mois de juin pour annoncer la répartition des subventions au secteur culturel. Seuls deux tiers des demandes de subventions - 207 au total - ont été satisfaites. Celles-ci devraient donc recevoir plus, puisque le ministre prétend que le budget annuel reste au même niveau (141 millions d’euros). En réalité, Sven Gatz a confirmé sa réputation de poids plume politique, puisqu’il n’a pas pu compenser la réduction budgétaire de 7,5 pour cent de 2013. Ce qu’il a présenté comme un statu quo est donc en réalité un recul progressif, puisque les dépenses des théâtres et des artistes flamands ont augmenté considérablement au cours des 5 dernières années.
Pour connaître les vraies raisons de l’austérité imposée au secteur culturel flamand, il a fallu attendre la tempête de protestations soulevée en province du Limbourg qui doit se contenter de 1,05 pour cent des subventions. Dans une lettre ouverte, le chanteur Stijn Meuris a annoncé à Sven Gatz qu’il ne figurera plus sur la liste des invités au Limbourg. Un autre Limbourgeois, l’ex-spin doctor de l’Open VLD, Noël Slangen, a démissionné du parti, non sans avoir déclaré à la VRT que l’opération d’austérité culturelle "a été dictée par la N-VA anversoise". On sait que Bart De Wever n’a que très peu d’amis dans le monde artistique et culturel flamand. Ce secteur est, selon la N-VA, hanté par une sorte de belgitude passéiste. Ce sont très souvent des artistes flamands qui critiquent la N-VA dans les médias.
Le ministre de la Culture nie évidemment avoir agi sous pression en supprimant la subvention d’une centaine d’organisations. Sven Gatz invoque la nécessité de mettre la fin à la prolifération des initiatives artistiques. L’époque où chaque petite troupe de théâtre pouvait, après quelques succès sur scène, rêver d’occuper ses propres locaux de répétition est donc révolue. C’est sans doute l’évolution la plus inquiétante de la nouvelle politique culturelle : l’innovation n’est plus encouragée. Les petites organisations créatives, qui n’ont parfois pas le temps d’élaborer un dossier pour étayer une demande de subsides, paient la note des économies. Quelques organisations à forte implication sociale ne sont plus soutenues : la maison des jeunes "Vaartkapoen" à Molenbeek, la compagnie Rataplan dans un quartier difficile d’Anvers comme Borgerhout et le Muziekodroom à Hasselt qui offre une planche aux jeunes musiciens rock. En abandonnant les petites initiatives artistiques à leur sort, le gouvernement flamand oublie que les grands noms de la culture flamande comme Jan Fabre, Rosas, Kaaitheater et autres ont été un jour dans la même position que les débutants d’aujourd’hui et qu’ils n’ont pu évoluer que grâce aux subsides.
Dans la répartition actuelle des subventions, on constate que le lobbying des 7 grandes institutions culturelles flamandes (Ancienne Belgique, Brussels Philharmonic, Concertgebouw Brugge, de Filharmonie, de Singel, Kunsthuis et Vooruit) a bien fonctionné : elles engloutissent ensemble 54 millions d’euros. Et le "socle bruxellois" du ministre est particulièrement soigné : le KVS, le Kaaitheater, Rosas et Bronx ont obtenu des augmentations de 10 à 18 pour cent. Faut-il y voir un certain opportunisme politique ? Malgré l’austérité générale, les grands noms n’ont pas vraiment été mis en difficulté. A Bruxelles, on pourrait même parler d’un degré de clientélisme électoral.
Une question fondamentale reste sans réponse : faut-il finalement subventionner des célébrités, bénéficiaires déjà d’une certaine valeur commerciale, ou plutôt ceux qui n’attirent pas encore le grand public ?