Conseil québécois du théâtre
Si j'étais ministre de la Culture : 9e lettre
25 mars 2014 | PARTAGER :        


DANS LE CADRE DE LA CAMPAGNE ÉLECTORALE PROVINCIALE 2014,
LE CONSEIL QUÉBÉCOIS DU THÉÂTRE A INVITÉ DES PERSONNALITÉS PUBLIQUES À S’EXPRIMER SUR LE THÈME
SI J’ÉTAIS MINISTRE DE LA CULTURE.

 

 

Si j’étais ministre de la Culture…
Par Pierre Lefebvre, rédacteur en chef de la revue Liberté



En devenant ministre de la Culture, je me donnerais comme tâche première de bien faire comprendre à chacun des ministres membre du Conseil, et bien sûr au premier, qu’un lecteur, un spectateur, un auditeur ne sont pas des consommateurs de culture, de la même manière qu’un ami n’est pas un consommateur d’amitié ou un croyant un consommateur de foi. Je ferais subir la même médecine à mes fonctionnaires. Afin de leur donner une idée des mesures qui s’en viennent, je leur dirais que la pire chose à faire est de concevoir la culture comme une industrie ou encore un secteur économique à l’instar de l’hôtellerie ou des télécommunications, puis je leur rappellerais les paroles d’André Brassard : « une industrie par définition, ça fait un prototype et, ensuite, ça le reproduit des millions et des millions de fois, et toujours de la même façon. Au théâtre, chaque spectacle est unique : on doit donc plutôt parler d'artisanat ».
 
Ensuite, je m’acoquinerais avec le ministre des Finances afin de mettre la hache de façon définitive dans les échappatoires fiscales des grandes entreprises, les zones franches, les paradis fiscaux et toutes autres entourloupes ayant pour seules finalités d’affamer l’État et de le rendre vulnérable à la cupidité du privé. On ramènerait aussi le taux d’imposition de ces compagnies-mastodontes-là à celui du début des années 1980, soit environ 38 %. Je m’assurerais ainsi de disposer d’un budget qui a de l’allure. Tous les autres ministères en profiteraient aussi et m’en devraient donc une. Une grosse. À partir de là, j’en mènerais large.
 
Je me mettrais aussi chum avec le ministre de l’Éducation. Avec nos budgets respectifs regonflés à bloc, je l’aiderais à doter les écoles primaires et secondaires de bibliothèques scolaires dignes de ce nom. Devant une bonne bière, je lui rappellerais la fois où Georges-Émile Lapalme a dit : « l’éducation sans la culture, c’est juste de la formation ». Je concocterais avec lui une réforme grâce à laquelle la littérature, la philosophie et les arts ne seraient plus considérés comme des ostie de niaiseries ne servant pas à grand-chose pour se trouver une job, mais bien la voie royale pour transformer les étudiants en citoyens.
 
Je refilerais à Télé-Québec un budget à faire pâlir d’envie tout le monde, même TVA. Je ferais une radio publique aussi. On y parlerait des œuvres, je veux dire pour vrai, au lieu de faire du human interest sur le dos des artistes. J’offrirais aussi aux journaux des subventions afin qu’ils développent leurs pages culturelles. Bref, je m’arrangerais pour donner aux œuvres, au sens et au sensible une place dans notre espace médiatique à peu près comparable à celle dont jouit le sport.
 
Une fois ce cadre-là gossé, le travail pourrait commencer. Le prix unique pour les livres, la question de la distribution en salle pour le cinéma, les inégalités générationnelles dans les compagnies de théâtre, avec des sous et une volonté politique, ça se règlerait vite en maudit. J’indexerais aussi au coût de la vie le montant des subventions n’ayant pas été majoré depuis trop longtemps en attendant de reformuler tous les critères d’attribution des bourses, puis, je prendrais deux semaines de vacances.
 
Après ça, je m’attaquerais au reste.



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